En 1902, Spilliaert propose ses services à l’éditeur bruxellois Edmond Deman et, en septembre, ce dernier l’engage à titre d’essai. Dans la librairie de Deman, située au 86 de la rue de la Montagne à Bruxelles, un nouveau monde s’ouvre à Spilliaert. Il y découvre Maurice Maeterlinck, Émile Verhaeren, Stéphane Mallarmé, des écrivains que Deman publie, ainsi que l’art de Fernand Khnopff et d’Odilon Redon, entre autres. Spilliaert agrémente d’illustrations de sa main des exemplaires uniques de recueils de Verhaeren et de Maeterlinck.

Son chef-d’œuvre en la matière est le recueil Théâtre de Maeterlinck, publié en 1901-1902. Spilliaert dote cet ouvrage en trois volumes de quelque 348 dessins à l’encre. Des illustrations intrigantes, parfois sur une page entière, parfois en ornement de bordures.

À cette époque, Spilliaert caresse l’espoir de se rendre dans l’État indépendant du Congo pour y travailler, comme le fait Albert Sillye (1867-1929), le fiancé de Gabrielle, la fille aînée d’Edmond Deman.
Fort d’une recommandation de Deman, Spilliaert se lance dans l’aventure à la fin du mois de décembre 1903, mais à sa grande déception, il est déclaré inapte en raison de sa santé fragile. Sans rancune apparente, toutefois avec la mélancolie de rigueur, il illustre une carte postale pour Sillye : un bateau à vapeur voguant vers l’horizon.1

Ses projets parisiens se déroulent mieux. Muni d’une nouvelle lettre de recommandation d’Edmond Deman, il va trouver Émile Verhaeren près de Paris. Cette rencontre marque le début d’une longue amitié. Pendant son séjour à Paris, qui s’étend de février à juillet 1904, il fait la connaissance d’artistes tels qu’Auguste Rodin, Eugène Carrière et Félix Vallotton. Grâce au carnet d’adresses de Verhaeren, Spilliaert peut exposer quelques dessins dans la galerie de Clovis Sagot, au côté de son collègue né la même année que lui, Pablo Picasso.

Spilliaert se passionne de plus en plus pour la poésie et ses dessins variés renvoient, entre autres, à Chateaubriand et à Maeterlinck. Il se dégage une atmosphère inquiétante de ses œuvres, avec des protagonistes au regard fixe et dur, auxquelles il intègre parfois des références à l’agitation sociale.

Illustration de Léon Spilliaert aux pages 270 et 271 du premier volume de Maeterlinck Théâtre, Bruxelles, Deman, 1901-1902, encre de Chine et aquarelle sur papier, 1902-1903, 24 x 15,5 cm. Collection Fondation Roi Baudouin, Fonds Eliane Vercaempt.
Léon Spilliaert, Homme au drapeau, 1904, crayon, encre de Chine lavée, aquarelle rouge et jaune et pastel rouge sur papier, 38,5 x 30,9 cm. KBR, inv. S.V 72828.
Léon Spilliaert, De verdrinking (La Noyade), 1904, encre de Chine lavée et aquarelle sur papier, 39 x 35 cm. De Vuyst, Lokeren.
Léon Spilliaert, Représentation allégorique de l’homme sous l’aspect d’un animal monstrueux perdant du sang, 1903, encre de Chine lavée et crayon sur papier, 25,2 x 33,4 cm. Bruxelles, KBR, inv. F 15711.
Bruxelles, AACB, inv. 2755, carte postale illustrée à l’encre de Chine de Léon Spilliaert adressée à Albert Syllie, 15 juillet 1904.

Notes de bas de page

  • 1

    Adrienne et Luc Fontainas, Edmond Deman éditeur (1857-1918). Art et édition au tournant du siècle, Bruxelles, Labor, 1997, p. 47.

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